Attardons-nous aujourd’hui sur un concept souvent évoqué mais rarement clair pour la plupart d’entre-nous: la mobilité. En effet la mobilité est très souvent mentionnée en tant que facteur limitant dans la performance sportive dans beaucoup de disciplines, mais elle est rarement définie de manière claire. C’est un peu comme si tout le monde savait de quoi il s’agissait sans pouvoir vraiment la définir. Le but de l’article du jour n’est pas de procurer une définition absolue mais plutôt d’explorer une piste proposée par un haltérophile, et de voir comment il l’utilise lui-même dans ses programmes de préparation physique. Ce sera également le bon moment pour faire un retour d’expérience sur un programme de mobilité qu’il propose.
Préambule: de quoi parle-t-on ?
Commençons par une anecdote personnelle qui m’est arrivée plus d’une fois et qui est assez révélatrice du nuage de brume qui tourne autour de ce sujet. Actuellement en formation pour obtenir mon diplôme BPJEPS d’animateur sportif, la question fatidique n’a pas tardé à être posée: « la mobilité, qu’est-ce que c’est ? » En guise de réponse nous n’avons eu droit qu’à une proposition simple: « c’est de la souplesse avec une notion de force ». Frustrant n’est-ce pas ? Si la réponse n’est probablement pas évidente à donner et si je n’ai pas la prétention de vouloir apporter une meilleure définition, cette réponse paraît néanmoins ne pas être suffisante. Allons-nous-en donc partir à la recherche d’une définition plus exacte et qui peut servir de point de départ pour une discussion. Le but n’est non pas de trouver la définition la plus satisfaisante possible, mais de s’attarder sur une vision de ce qu’est la mobilité, de la présenter, et de la critiquer de manière constructive. Cet article n’est en aucun cas sponsorisé et j’ai moi-même pris l’initiative d’acheter ce programme de mobilité pour m’aidèrent dans mon apprentissage de l’haltérophilie.
L’approche d’un haltérophile ukrainien
Au lieu de faire un mélange de plusieurs définitions donc, attardons-nous aujourd’hui sur la vision de la mobilité selon Oleksiy Torokhtiy, haltérophile d’origine ukrainienne qui a fait de la mobilité un de ses sujets de prédilection. Il a concouru dans la catégorie des moins de 105 kg, notamment aux jeux olympiques de Pékin et Londres, et a remporté plusieurs médailles aux championnats du monde et d’Europe.
Comme dit plus haut, il a récemment sorti un nouveau programme sur le sujet de la mobilité dans lequel il se donne pour mission d’améliorer cette dernière dans le cadre de la pratique de
l’haltérophilie. Dans ce programme donc, il commence très par définir brièvement ce qu’est la mobilité avec une figure simple qui est la suivante:
La mobilité apparaît donc dès lors comme une composante à trois têtes. Essayons maintenant d’approfondir ces trois composantes.
L’amplitude de mouvement
Tous d’abord la mobilité nécessite du « range of motion », ce qui peut se traduire par de l’amplitude de mouvement. On peut définir cette amplitude comme la limite à laquelle une partie du corps peut se mouvoir autour d’une articulation ou d’un point fixe (source physio-pedia). On peut par ailleurs délimiter trois types d’amplitudes:
- L’amplitude de mouvement passive, qui est atteinte lorsqu’une force extérieure uniquement est appliquée à un sujet et que celui-ci ne bouge volontairement aucune partie du corps concernée;
- L’amplitude de mouvement active-assistée, quand une partie du corps reçoit une aide partielle provenant de l’extérieur pour se mouvoir. On réalise ce genre d’exercice lorsqu’un sujet a besoin d’assistance pour réaliser un mouvement à cause dune faiblesse ou d’une douleur par exemple;
- L’amplitude de mouvement active, atteinte lorsque des muscles agoniste et antagoniste se contractent et se relâchent pour réaliser un mouvement. Lors d’une extension de bras par exemple avec le biceps et le triceps.
La force
Vient ensuite la force (ou « strength » en anglais) qui permet de pouvoir créer de la résistance à une charge une fois que l’on et dans un degré d’amplitude donné. La force peut en effet être brièvement définie comme la capacité à résister à une charge ou encore vaincre une inertie. C’est cette force qui permet de maintenir une barre au-dessus de sa tête: dans le degré d’amplitude de mouvement atteint, il faut pouvoir maintenir la position avec une barre potentiellement chargée.
Le contrôle moteur
Enfin vient la troisième composante du schéma: le « motor control ». Cette notion de contrôle moteur est très vaste et mériterait un article à lui tout seul (qui va peut-être arriver bientôt…). De manière simple, on peur définir le contrôle moteur comme « la régulation des mouvements chez les organismes qui possèdent un système nerveux » (source Wikipedia). C’est ce système nerveux qui va recruter les muscles adéquats pour achever un but moteur précis. Ainsi le contrôle moteur intervient dans des notions telles que la posture, l’équilibre, ou encore la stabilité. On peut donc voir cette composante comme le ciment qui permet de faire s’assembler l’amplitude de mouvement et la force. Ce contrôle moteur est ce qui permet en effet d’amener ses membres dans ces amplitudes de mouvement où l’on peut créer de la force. Également, dans des mouvements tels qu’un arraché, le contrôle moteur est essentiel pour stabiliser une barre chargée au-dessus de sa tête. Cette notion de contrôle moteur inclut également un notion de proprioception, c’est-à-dire de savoir comment se situe notre corps dans l’espace. Il s’agit non seulement de pouvoir créer de la force dans un degré d’amplitude donné, mais également de pouvoir se mouvoir autour de ce degré pour contrôler le mouvement.
La mobilité est donc la conjonction de trois facteurs: l’amplitude de mouvement, la force et le contrôle moteur.
Sachant cela, comment améliorer sa mobilité et quels outils sont à disposition ? Oleksiy Torokhtiy propose une approche en trois étapes lors de ses séances de mobilité.
La proposition d’une méthode
En décortiquant le programme de mobilité proposé par cet athlète, on y voit plusieurs axes de travail. Une séance de mobilité est composée de trois phases: la mobilisation, l’activation, et enfin l’intégration.
La mobilisation inclut l’échauffement des muscles, pour améliorer leur innervation et les habituer à travailler dans des mouvements à grande amplitude. Il s’agit d’un travail plus général sur les muscles de l’athlète pour pouvoir amorcer la phase suivante plus spécifique.
L’activation va cibler les muscles stabilisateurs de l’épaule et des omoplates, ainsi que les muscles qui vont directement avoir une influence sur les performances sur les mouvements d’arraché et d’épaulé jeté.
Enfin, l’intégration sert à faire la transition entre les exercices accessoires et les mouvements compétitifs d’haltérophilie. Il s’agit concrètement d’améliorer les mouvements au-dessus de la tête de l’arraché et de l’épaulé jeté, en augmentant la force des muscles et la stabilité des articulations.
Concrètement, à quoi cela ressemble-t-il ?
Reprenons les étapes une par une et essayons de les illustrer avec du contenu concret.
La mobilisation a pour but l’interaction des muscles et un échauffement global.
Après 5 minutes passées sur un ergomètre, on peut par exemple commencer avec les exercices suivants:
- Mobilisation du cou en venant doucement étirer les trapèzes en faisant des va-et-vient avec la tête. On peut même s’aider d’un disque pour venir écraser les trapèzes;
- Mobilisation des poignets: en position quadrupédie, étirer les poignets contre le sol;
- Ouverture thoracique: toujours à quatre pattes, venir chercher à ouvrir le buste vers le haut.
Par suite on va chercher à renforcer des positions dans la phase d’activation.
- En position allongée, ventre à terre, chercher à faire une abduction des membres supérieurs pour renforcer cette position;
- Faire un développé militaire au bâton avec un élastique pour créer de la résistance;
- Ou plus simplement, renforcer la coiffe des rotateurs en étant allongé sur le côté et en réalisant des rotations externes de l’épaule.
Enfin la phase d’intégration incorpore des mouvements spécifiques comme:
- Des deadbugs;
- Des good mornings
- Ou encore des presses verticales pour mettre à l’exercice sa mobilité d’épaule.
Que penser de ce programme ?
Une fois que l’on a abordé ce qui précède, que reste-t-il à dire ?
Tout d’abord on peut ajouter que le programme s’inscrit dans un travail sur la durée puisque ce dernier est conçu pour durer 6 semaines. En parcourant les différentes séances, on voit que celles-ci sont progressivement plus intenses sur les exercices à faire. Par exemple un exercice qui revient souvent est un simple développé militaire assis avec une barre. L’évolution consiste dès lors à faire évoluer la hauteur du support sur lequel on s’assoit pour in fine pouvoir réaliser un développé en position de squat. Présentée comme cela l’idée fait sens.
La principale critique d’un tel programme réside probablement dans le volume de travail qui reste mal distribué. Sur une séance type on peut retrouver jusqu’à 20 exercices différents, dont il faut réaliser entre 10 et 15 répétitions pour chacun. Cela peut sembler paradoxal. La banque d’exercices est très fournie et cela offre beaucoup d’angles d’attaque pour traiter le problème initial de la mobilité. Cependant ne faire qu’une série de travail effectif pour chaque exercice peut paraître trop peu pour faire travailler des muscles dans une position voulue et les faire s’adapter. Cela va du moins dans le sens contraire du paradigme traditionnel d’une séance de musculation plus « classique ».
Les principales valeurs ajoutées d’un tel programme sont donc la vision de la mobilité qu’il offre, ainsi que le catalogue d’exercices qu’il met à disposition.
Conclusion
En conclusion, la piste proposée est intéressante mais le fond reste trop superficiel pour que l’on puisse s’en arrêter là. Une telle formation nous offre en effet une première piste de réflexion et nous a amené à voir que la mobilité est très probablement la conjonction de facteurs multiples. En revanche il est important de rester critique sur le contenu proposé: un tel contenu offre de très bonnes pistes de réflexion sur comment améliorer sa mobilité, mais un tel programme ne conviendra pas à tout le monde. Après tout c’est l’essence même d’une programmation. Elle convient à la personne pour laquelle elle a été conçue. Un programme qui souhaite répondre à la problématique d’un grand nombre de personnes est plus vouée à échouer dans on entreprise et peut finalement ne convenir à personne.
Article écrit par Gautier BLONDEL
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Sources:
Programme de mobilité de Oleksiy Torokhtiy: « Overhead Mobility ».
Page Wikipedia de Oleksiy Torokhtiy: https://fr.wikipedia.org/wiki/Oleksiy_Torokhtiy
Page physio pédia sur l’amplitude de mouvement: https://www.physio-pedia.com/Range_of_Motion
Page Wikipedia en anglais sur le contrôle moteur: https://en.wikipedia.org/wiki/Motor_control